Accueil A la une Intelligence artificielle : Une vision, un plan d’action et des objectifs pour placer la Tunisie dans la course

Intelligence artificielle : Une vision, un plan d’action et des objectifs pour placer la Tunisie dans la course

 

Face à la spectaculaire accélération du développement de l’IA, la Tunisie, malgré les moyens modeste dont elle dispose, tente de s’imposer dans les domaines de la régulation, de la recherche et de l’innovation. Le temps presse !

Partout dans le monde, l’Intelligence artificielle (IA) gagne du terrain. Tous les secteurs sont concernés, à commencer par l’information et le big data jusqu’à la vie quotidienne des gens. La Tunisie n’est pas isolée de ce contexte mondial qui semble soumis aux pouvoirs de plus en plus grandissants de l’IA. Entre discours tantôt réticents et méfiants, tantôt subjugués par la technologie, l’intelligence artificielle peut constituer une opportunité pour la Tunisie si elle est bien encadrée, s’accordent à dire les experts.

C’est dans ce contexte que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique s’apprête à lancer la première bibliothèque interactive pilotée par l’intelligence artificielle. L’outil est dédié aux étudiants en Tunisie et à l’étranger, aux universitaires et aux chercheurs et est conçu et financé par des compétences 100% tunisiennes. D’ailleurs, le département a réceptionné un nouvel ordinateur avec des capacités hors normes en Tunisie pour pouvoir mener à bien ce projet inédit.

Selon le ministère, «Elm» offre un large éventail de contenus taillés pour les besoins des Tunisiens. Les documents, livres et divers supports sont régulièrement mis à jour grâce aux prouesses de l’IA. La plateforme est capable, techniquement, d’abriter plus d’un million de livres et documents, et un million de visiteurs en même temps.

Pour des programmes nationaux incitatifs

Si ce genre de projets peut représenter un point de départ pour optimiser à l’échelle nationale les usages de ces technologies qui avancent à pas de géant dans le monde entier, une vision stratégique et un plan national s’imposent pour ce faire. En effet, de nombreux pays se sont lancés dans des programmes nationaux incitatifs, mais aussi d’encadrement de ses pratiques. Ces pays se précipitent à mettre les cadres légaux et les écosystèmes économiques et digitaux adaptés pour se lancer dans cette expérience. En Tunisie, on accuse un retard dans l’adoption de ces technologies en dépit d’un énorme potentiel, notamment en matière de ressources humaines et de compétences. Comment peut-on donc profiter de cet écosystème mondial incroyable qui commence à se créer en dépit des ressources financières limitées et de l’hégémonie technologique exercée, de fait, par les pays occidentaux ?

Dr Khaled Ghedira, expert en intelligence artificielle, sollicité par notre journal, précise: «Le travail dans ce domaine a officiellement commencé en Tunisie en 2005 avec la création de l’Organisation tunisienne de l’intelligence artificielle, mais ce domaine a commencé à être traité efficacement depuis 1986, lorsqu’un séminaire de sensibilisation a été organisé à la Faculté des Sciences de Tunis par un groupe de professeurs universitaires. Entre 2000 et 2002, un certain nombre de facultés, en particulier les écoles d’ingénieurs, ont commencé à enseigner la matière informatique dans leurs programmes, puis la matière de l’intelligence artificielle a été généralisée en tant que matière de sensibilisation».

La Tunisie, un pays précurseur mais…

A cet effet, Dr Ghedira explique que la Tunisie était parmi les premiers pays arabes et africains à se lancer dans des projets d’intelligence artificielle, mais accuse aujourd’hui un retard faute de moyens. «En ce qui concerne la recherche scientifique dans ce domaine, il y a eu quelques tentatives avant 2000, et j’ai moi-même créé le premier laboratoire de recherche spécialisé en intelligence artificielle, nous informe notre interlocuteur. En 2002, en commençant par une unité de recherche puis est devenu un laboratoire. Depuis, de nouveaux laboratoires non spécialisés ont commencé à apparaître», explique-t-il à La Presse pour ajouter que la Tunisie était un précurseur, notamment sur le plan maghrébin.

Et d’ajouter: «Progressivement, avec la création de l’association de l’intelligence artificielle et grâce aux compétences tunisiennes, en particulier celles résidant à l’étranger, l’intelligence artificielle a évolué jusqu’à atteindre le stade de la production, dépassant la phase de recherche».

L’expert en intelligence artificielle continue d’expliquer:  «En Tunisie, nous avons progressé et atteint le stade de la production grâce aux start-up, aux petites et moyennes entreprises et aux laboratoires scientifiques spécialisés dans l’intelligence artificielle». Toutefois, souligne-t-il, ces projets bénéficient à des entreprises, des structures étrangères et des firmes internationales «en l’absence d’une stratégie nationale qui réunisse tous les acteurs pour procéder à l’étude, ensuite à la mise en œuvre».

Cette stratégie mise en place en 2022 avec l’implication de  quatre ministères qui s’étaient associés pour mettre en place une stratégie nationale d’intelligence artificielle qui touche aux domaines du transport, de la santé et de l’éducation.

Sauf que même si les entreprises tunisiennes reconnaissent de plus en plus les avantages de l’IA, notamment en termes d’efficacité opérationnelle, d’automatisation des processus, de prise de décision éclairée et d’innovation, la création d’un écosystème autour de ces technologies faisant suite à des choix stratégiques pris en haut lieu fait défaut pour le moment.

Pour pallier ces entraves, Dr Ghedira explique que la Tunisie est appelée à multiplier les expériences de la coopération internationale avec des pays occidentaux très en avance en matière d’utilisation et de développement de l’intelligence artificielle, en vue de mobiliser les fonds nécessaires pour le développement de tels écosystèmes au plan national.

Un enjeu de taille

Si la Tunisie doit s’organiser pour optimiser les usages de l’IA, c’est parce que l’enjeu mondial est de taille. Perte d’emplois, cyberattaques ou encore défaillance de contrôle de l’homme… Les dangers potentiels plus ou moins réalistes de l’intelligence artificielle provoquent depuis maintenant deux ans des débats de société dans de nombreux pays, alors qu’aucune réglementation globale n’existe, pour le moment, en dépit d’une déclaration des Nations unies.

En octobre dernier, les pays du G7 se sont entendus au Japon sur un «code de conduite» non contraignant destiné aux entreprises développant les systèmes d’IA les plus avancés. L’objectif étant de rationaliser et d’humaniser la production de ces technologies qui se propagent à une vitesse inédite.

Or, cette course aggrave davantage les disparités mondiales en matière d’accès aux technologies. Les Etats-Unis et la Chine sont actuellement les deux plus grands pays investisseurs en capital-risque dans des start-up d’IA, selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde). Pour la seule année 2022, Washington a cumulé 56,7 milliards de dollars d’investissements, suivi par Pékin avec 21,5 milliards de dollars.  A l’échelle arabe, ce sont les pays du Golfe comme les Emirats, le Qatar ou encore l’Arabie saoudite, dotés de moyens illimités, qui investissent le plus dans ces domaines. A la Tunisie de trouver son modèle, selon ses moyens, en tenant compte de l’énorme potentiel humain dont dispose le pays.

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